vendredi 9 janvier 2015

Attention garde inconnue.

Nous aimons croire qu'il est possible d'estimer le potentiel de garde d'un vin, si nous l'avons goûté en jeunesse. Un équilibre, une densité, une expérience passée sur un terroir particulier ou sur d'autres cuvées de ce domaine. Des données fluctuantes, évanescentes mais qui au fil du temps se confirment plus souvent qu'autrement. Certes il y a des surprises, voire des déceptions. Et quelques miracles.

Je déguste les vins des Clos Perdus en Corbières depuis maintenant 4 ans. Nous manquons tous de recul face à leurs vins puisque le domaine est tout jeune et les les 2 Anglais (et le continent, ai-je envie de rajouter, pour ceux qui connaissent le film de Truffaut), et qu'ils ont créé ces cuvées de toute pièce, sans aucun recul. Ils ont été rapidement portés aux nues par Jancis Robinson, Parker, Pousson et maintenant l'establishment français. Ils travaillent sans aucun filet, avec des moyens minimes (à force de bras, de rigueur et de talent), dans une cuverie de garage artisanale. On les a qualifiés de 'bourguignons du Languedoc' et on s'est extasié devant les textures fines et les complexités aromatiques de ces vins pas tout à fait sudistes, avec ce je-ne-sais-quoi de tension et de fraîcheur qui manquent à la majorité. Est-ce le poids de l'expérience (ce sont 2 hommes mûrs qui ont eu d'autres carrières auparavant), le souci à 'faire juste' sans aucun égard à une recherche hypothétique de puissance (à quel moment la puissance est-elle devenue un dogme en vinification - que d'erreurs à force d''extraction).

J'ai dit récemment que ma bouteille rouge du temps des Fêtes a été l'Extrême 2008 des Clos Perdus. Mardi j'ai ouvert une Mire la Mer 2009, mourvèdre-carignan-grenache du millésime caniculaire qui n'a pas jolie réputation en contrées méditerranéennes, souvent trop lourd, confituré. Je me souviens du côté un peu sauvage, fauve, des mourvèdres de cette cuvée en jeunesse, je me souviens m'être dit : la bête gagnera en finesse, en arômes et en texture avec 3 à 5 ans de cave.

3 ans ont passé. Je sais avoir entre les mains un diamant en ces Clos Perdus. Tout y est magnifique; il faut toutefois laisser passer minimum un an pour que les vins intègrent leur réduction. Une fois intégrées, les effluves d'étable se dissipent, les bouches se précisent, et le fabuleux bouquet garrigue - fruit des bois - fleurs mauves - réglisse - épices douces se précise.

Nous sommes jeudi. Je viens d'ouvrir un autre verre de Mire la Mer 2009. Simplement remis tous les soirs au cellier après un verre ou deux. Déjà magnifique à l'ouverture sur ses notes de sang de boeuf, d'iode, de sauge et de zan, il en redonne encore plus, 4 jours plus tard, sur les baies de cassis, la mûre, la venaison. Mais-la-texture... Vue quelquefois sur certains Tempier (Tourtine 1985, Cabassaou 1990) après 6 - 7 ans de garde. Des mourvèdres à damner.

Je pressentais la possibilité de garde des Clos Perdus; je commence à peine à la constater. Personne ne pouvait avoir d'idée claire - nous n'avions aucun modèle. J'en ai maintenant 2 en en aurai d'autres au fil du temps.

Paul Old, Hugo Stewart. Grands vignerons.

Je les vois dans 3 semaines. Je les ai visités l'an dernier. Un honneur. Le fils de Paul jouait de la guitare dans le grand loft chauffé par un feu de bois. nous avons longuement parlé de danse - Paul est un ancien danseur classique.

Je goûte Prioundo (celui que je qualifie de petit Rayas) 2012 la semaine prochaine. Bien hâte.